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dimanche, mars 14, 2010

Je suis triste !



On avait paumé Gerry Rafferty. Evaporé sans laisser d’adresse. Mais - ouf ! - on vient de le retrouver. Souvenez-vous : Rafferty, c’est l’immarcescible interprète de Baker Street, une chanson de 1978 dont les quelques notes de saxo introductives ont été l’une des pires scies musicales du XXe siècle. Hé bien, cet été, Rafferty a mystérieusement disparu d’un hôpital londonien. Il y était traité pour des problèmes de foie consécutifs à un alcoolisme chronique. Et voilà que cet homme de 61 ans se volatilise purement et simplement, le 1er août, laissant derrière lui ses effets personnels et ne donnant apparemment plus aucune nouvelle à ses proches.

Six mois plus tard, certains ont fini par s’inquiéter. Puis les rumeurs les plus folles ont commencé à courir la Toile : il aurait été enlevé, il serait mort, on l’aurait aperçu incognito dans tel patelin, on l’aurait vu faisant la manche à Bruxelles, etc. Rumeurs reprises par les journaux, qui sont allées en s’amplifiant. Jusqu’à ce qu’un porte-parole de l’artiste, Paul Charles, siffle la fin de la récré il y a quelques jours, déclarant au quotidien The Independent : «J’ai parlé à Rafferty voilà deux semaines et il va très bien. Il n’a pas d’album en préparation, pas de tournée, il n’a donc pas de raison d’apparaître en public.» On apprenait peu après, par la voie d’un communiqué, que le chanteur était en fait dans sa maison de Toscane.

Si l’affaire a pris une telle ampleur, c’est que l’on avait de sérieuses raisons de s’inquiéter. Depuis une trentaine d’années, Gerry Rafferty a fait de la picole un sport de combat. Baker Street commence d’ailleurs par ces mots : «Windin’ your way down on Baker Street/Light in your head and dead on your feet/Well another crazy day/You’ll drink the night away» (Encore une journée de folie/où tu boiras jusqu’au bout de la nuit). Un programme méticuleusement respecté par celui dont la carrière a vraiment commencé en 1972, avec la formation du groupe Stealers Wheel (un de leurs tubes, Stuck in The Middle With You, a été ranimé par le film Reservoir Dogs, de Tarantino).

Hôtel de luxe. Le garçon, de mère écossaise et de père irlandais, touche le jackpot six ans plus tard avec son album solo City to City, sur lequel figure le fameux Baker Street : 5,5 millions d’exemplaires vendus. La chanson lui rapporterait encore 80 000 livres bon an mal an (91 000 euros). Rafferty n’a donc pas trop de soucis de fins de mois. Mais la bouteille le poursuit. L’épisode qui l’a amené au St Thomas Hospital cet été est digne de Las Vegas Parano.

Fin juillet à Londres : l’ex-gloire s’enferme dans une chambre d’un hôtel de luxe sur Bond Street, dans le chic Mayfair, en la compagnie d’un nombre indéterminé de flacons de whisky car le bar de l’établissement refuse de le servir. Il y reste quatre jours et quatre nuits, facturés 600 livres (675 euros) chaque. La direction du Westbury Hotel finit par demander à un ami de sortir son client des lieux, désormais en triste état : le personnel découvre la chambre couverte de vomi et de pisse. «Nous avons dû tout incinérer : le tapis, les rideaux, les draps», a affirmé le directeur à The Independent. Rien là d’inhabituel pour Rafferty qui, jeune, ressemblait à un John Lennon un peu bouffi. En 2006, il avait défrayé la chronique avec ce qui pourrait être un record mondial de murge transatlantique. La police écossaise le récupère sur l’aéroport d’Inverness tellement ivre qu’il doit être évacué sur une chaise roulante. Rafferty avait picolé non-stop sur un vol commercial entre la Californie et Londres, puis avait embarqué sur un avion privé vers l’Ecosse, soit quatre-vingt dix minutes supplémentaires de biberonnage. A l’arrivée, le petit Piper Seneca expulsait une éponge intransportable.

Coma éthylique. Depuis une vingtaine d’années, Rafferty vit en reclus entre Los Angeles et Londres. Son mariage est tombé à l’eau. Son comportement excentrique le signale sporadiquement à l’attention des gazettes, obèse, un peu parano, cachant un regard vide derrière des lunettes bleues. Son dernier disque, Another World, date de 2000, mais il a plus ou moins disparu de la vie publique depuis le milieu des années 90, n’y réapparaissant qu’à l’occasion d’épisodes soûlographiques. En 2005, un coma éthylique le fait échouer dans un hôpital de Hampstead.

L’ex-champion du hit-parade est issu d’une famille modeste, père mineur et camionneur. Il a vécu ses premières années dans la ville écossaise de Paisley et démarré en folk singer en duo avec Billy Connolly, lequel a fait depuis une belle carrière d’humoriste et de comédien. Mais Gerry, lui, n’a jamais été très à l’aise avec la célébrité. Comme Syd Barrett (Pink Floyd) et Peter Green (Fleetwood Mac), il s’est peu à peu enfermé dans une réclusion d’autant plus amère que sa carrière musicale n’a fait que décliner depuis la fin des années 70. En 1983, il avait même tout laissé tomber pour s’occuper de sa famille.

Baker Street s’achève sur une faible note d’espoir - «And when you wake up it’s a new mornin’/The sun is shinin’ it’s a new morning/You’re goin’ You’re goin’ home» (Quand tu te réveilles, c’est un nouveau matin/le soleil brille/tu rentres chez toi) - puis sur cet entêtant riff de sax joué par Raphael Ravenscroft. Riff entièrement pompé sur celui de Half a Heart, de Steve Marcus, un morceau créé dix ans auparavant.
(C) Journal LIBERATION 14/03/2010

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